ISSN electrónico: 2145-9444. Fecha de recepción: 15 de noviembre de 2010 |
ENSAYO TEÓRICO
THEORY TEST
Analyse d'un dialogue extrait du film «Tesis» d'Alejandro Amenábar
Análisis de un diálogo extraído de la película «Tesis» de Alejandro Amenábar
JIMMY SPENCER ROA BERNAL
DOCENTE DE ESPAÑOL Y FRANCÉS COMO LENGUA EXTRANJERA ALIANZA FRANCESA DE BARRANQUILLA Y UNIVERSIDAD DEL ATLÁNTICO. MAGÍSTER EN LINGÜÍSTICA, ESPECIALIZACIÓN EN ANÁLISIS DEL DISCURSO OTORGADO POR LA UNIVERSIDAD DE GINEBRA, SUIZA. CANDIDATO A DOCTOR EN LINGÜÍSTICA DE LA UNIVERSIDAD DE QUEBEC, CANADÁ. jspencerb@hotmail.com
ABSTRACT
L'un des aspects le plus important, en tant qu'être humain, c'est l'échange communicatif. Ces interactions en face à face permettent aux interlocuteurs d'enrichir et renouveler leurs stratégies conversationnelles afin d'atteindre leurs objectifs. Ainsi, convaincre et persuader font partie de nos échanges quotidiens. Or, quels sont les types de rôles praxéologiques que nous assumons au moment de formuler et de demander nos requêtes? Quelles sont les stratégies employées pour un tel propos? Quels sont les éléments grammaticaux que l'on retrouve dans nos discours? À travers cet article, nous essaierons de répondre à ces questions. Pour cela, nous prendrons un fragment d'un dialogue d'un film et nous l'analyserons en empruntant l'approche modulaire du discours.
mots clefs: Analyse modulaire, interaction, face, acte, stratégies argumentatives et conversationnelles.
RESUMEN
Uno de los aspectos más importantes como seres humanos, es el encuentro social. Estas interacciones cara a cara permiten a los interlocutores enriquecer y actualizar sus estrategias conversacionales con el fin de alcanzar sus objetivos. Así, convencer y persuadir forman parte de nuestros intercambios cotidianos. Ahora bien, ¿qué tipos de roles praxiológicos asumimos en el momento de formular y hacer nuestras peticiones? ¿Cuáles son aquellas estrategias empleadas para dicho propósito? ¿Qué elementos gramaticales recorre nuestro discurso? A través de este artículo, trataremos de responder a estos interrogantes. Para nuestra tarea, tomaremos un fragmento de un diálogo de una película y lo analizaremos empleando la teoría modular del discurso.
palabras clave: Análisis modular, interacción, cara, acto, estrategias argumentativas y conversacionales.
Le seul critère d'une interprétation, c'est sa fécondité.
Tout ce qui donne à penser honore celui qui l'offre...
Marc-Alain Ouaknin
1. AVANT-PROPOS
Au fil des années, l'analyse du discours a pris une place importante dans les Sciences humaines. On observe plusieurs théories telles que l'analyse textuelle, l'analyse sémiolinguis-tique, voire l'analyse modulaire. Et c'est cette dernière approche dont nous allons prendre les outils pour effectuer notre étude. En effet, adopter une approche modulaire consiste en faire l'hypothèse qu'on peut décomposer un objet complexe en un certain nombre de systèmes d'éléments indépendants pour rendre compter de leurs différents types d'organisation. Ces informations issues des différents modules se combinent dans la constitution et dans le fonctionnement du discours. C'est précisément cette combinaison de systèmes d'information qui vont nous permettre de mieux comprendre la complexité du discours audio-visuel présenté ci-dessous.
2. INTRODUCTION
Nous entendons par cinéma une abréviation de cinématographe. Le mot grec «kinema» signifie mouvement et le suffixe «grapho» signifie dessin/image. Comme on peut l'observer, le cinéma est image en mouvement. Cette qualité essentielle lui permet de se distinguer des autres expressions artistiques et pour cette raison il est appelé le septième art.
Pendant son évolution et son développement, le cinéma est devenu un langage particulier avec ses propres codes d'expression, ses règles et ses principes de base dont l'analyse revêt un intérêt très important. Cependant, à cause de sa complexité, nous essayerons seulement de décrire un de ces éléments constitutifs: à savoir le dialogue comme moyen pour présenter les diverses stratégies que les interlocuteurs, dans le film, mettent en jeu pour atteindre leurs objectifs.
C'est dans ce but que nous utiliserons une approche modulaire. Elle décrit de manière simple, progressive et systématique l'organisation du discours. Et c'est celui-ci qu'on va décomposer en un certain nombre de systèmes d'information. Cette approche permet ainsi, de décrire la manière dont ces informations peuvent être combinées pour rendre compte des différentes formes d'organisation des discours analysés. C'est ici que s'inscrit le modèle genevois d'analyse du discours. Son but est d'intégrer dans un système unifié les principales dimensions du discours.
Cette approche est composée de cinq modules définissant cinq types d'informations de base: le module lexical, syntaxique, hiérarchique, référentiel et interactionnel. Le module lexical consiste en un dictionnaire définissant la prononciation, l'orthographe, les propriétés grammaticales et les sens des mots de la langue. Deuxièmement, le module syntaxique consiste en un ensemble de règles déterminant les constructions grammaticales en usage dans une langue ou variété de langue. Troisièmement, le module hiérarchique définit les catégories et les règles permettant d'élaborer les structures hiérarchiques de tous les textes possibles. Le module référentiel, de son côté, décrit les représentations mentales, conceptuelles et praxéologiques des activités et des êtres et des objets qui constituent l'univers du discours. Enfin, le module interactionnel définit les propriétés matérielles de la situation d'interaction du discours et des situations d'interaction qu'il représente.
Ensuite, sept types de forme d'organisation élémentaire se distinguent: phono-prosodique, sémantique, relationnelle, informationnelle, énonciative, séquentielle et opérationnelle. Ces types résultent du couplage d'informations d'origine modulaire. L'organisation phono-prosodique traite des représentations qui résultent du couplage entre les structures syntaxiques et les informations sur les propriétés phono-prosodiques des lexèmes. Elle s'intéresse principalement à l'analyse en groupes et en mouvements intonatifs potentiels. L'organisation sémantique, de sa part, décrit les représentations sémantiques (ou formes logiques) des clauses, qui constituent une des entrées des processus inférentiels. L'organisation relationnelle décrit les relations illocutoires et interactives entre les constituants du discours. De son côté, l'organisation informationnelle traite de l'enchaînement d'information dans le discours (le topique et le propos). L'organisation énonciative définit et distingue les segments de discours produits et représentés dans le discours par les locuteurs-scripteurs, à différents niveaux d'emboîtement. L'organisation séquentielle vise à définir et à repérer dans le discours des séquences typiques (narrative, descriptive et délibérative) en couplant des informations d'origine hiérarchique et référentielle. Finalement, l'organisation opérationnelle permet d'intégrer les descriptions des dimensions verbales et actionnelle du discours, tout en couplant des informations hiérarchique et référentielle.
Enfin, cinq types de formes d'organisation complexe peuvent être remarqués. Elles résultent du couplage d'informations d'origine modulaire et/ou d'autres formes d'organisation. Nous avons: l'organisation périodique, qui repose sur la combinaison d'informations d'ordre hiérarchique et phono-prosodique. Elle traite de la ponctuation du discours, tant à l'oral qu'à l'écrit. L'organisation topicale qui traite de l'enchaînement des informations dans le discours. Elle repose sur la combinaison d'informations issues des modules hiérarchique, référentiel, linguistique, informationnel et inférentiel. Concernant l'organisation polyphonique, elle traite des formes et des fonctions, dans le discours analysé, des discours représentés dans l'organisation énonciative. Cette organisation combine des informations d'ordre hiérarchique, linguistique, interactionnel, référentiel, topical et inférentiel. L'organisation compositionnelle décrit les formes et fonctions des séquences typiques issues de l'organisation séquentielle. Elle combine des informations hiérarchique, référentielle, linguistique et relationnelle. Enfin, l'organisation stratégique décrit les relations de faces et de places entre les interactants. Elle résulte du couplage d'informations linguistique, référentielle, interactionnelle, hiérarchique, relationnelle et topicale.
Dans le cadre de ce travail nous avons choisi un dialogue extrait du film «La Thèse» (Tesis), d'Alejandro Amenabar (1996). Le film raconte l'histoire de la violence à la télévision, la pornographie et les films «snuff ». Ce choix est motivé par deux raisons. Tout d'abord, ce dialogue met en évidence la manière particulière dont les personnages ménagent leur face et leur place dans l'interaction. Ensuite, ce type de document audio-visuel est facilement accessible et exploitable en classe de langues. Le fragment analysé ici est décrit comme suit: M. Figueroa, professeur à la Faculté de Sciences de la Communication, s'adresse au Médiathécaire, pour lui demander un service. Le premier a besoin de chercher des films les plus violents possibles mais comme cette situation lui semble très embarrassante, il décide de cacher son vrai projet à son interlocuteur. On voit dans cette interaction la manière dont le réalisateur exploite le rapport de « pouvoir », d'« hiérarchie», de «domination» ou de «rapport de places». Ces deux partenaires ne sont pas toujours égaux dans l'interaction: l'un d'entre eux se trouve en position «haute» de dominant tandis que l'autre est placé en position «basse» de dominé.
Or, c'est ici où s'inscrit le but de cet article: décrire la complexité interne d'un tel dialogue et les stratégies discursives que ces interactants emploient pour atteindre leurs objectifs communicatifs. Comme il s'agit d'un film espagnol, nous avons fait une traduction en français.
Pour illustrer la complexité d'un tel dialogue, nous proposons la démarche suivante: dans un premier temps nous allons analyser la dimension hiérarchique et l'organisation relationnelle, ensuite le cadre interactionnel et enfin l'organisation stratégique.
3. LA DIMENSION HIERARCHIQUE ET L'ORGANISATION RELATIONNELLE
La dimension hiérarchique constitue l'axe principal dans l'analyse modulaire. Elle fournit les catégories et les instruments qui permettent d'élaborer les structures hiérarchiques de tout discours monologique et dialogique écrit ou oral. En plus, d'une façon schématisée, ce module vise à rendre compte de la face émergente du processus de négociation sous-jacent à toute interaction. L'un de ses buts essentiels est de décomposer le discours en un certain nombre limité de constituants: l'échange, l'intervention et l'acte - unité textuelle minimale -; et aussi d'expliquer les trois types de rapports, à savoir: dépendance, interdépendance et indépendance. Il est important de signaler que Roulet (1999) défini le terme d'acte en empruntant la conception de Berrendonner: «Sl'acte [...] est défini comme la plus petite unité délimitée de part et d'autre par un passage en mémoire discursives» (p. 210). Roulet (1999a) remarque aussi que:
«Berrendonner entend par mémoire discursive l'ensemble de savoirs nécessaires à l'interprétation d'un discours; cet ensemble comprend les savoirs encyclopédiques et culturels utilisés par les interactants comme axiomes dans leurs activités infé-rentielles et il est alimenté en permanence par la perception des évidences situationnelles, ainsi que par les énonciations successives qui constituent le discours» (p.57).
Cette structure est régie par les points suivants:
Règle 1: tout échange est formé d'interventions, en principe deux pour l'échange confirmatif, trois pour l'échange réparateur, voire cinq, sept ou même davantage en cas de réaction(s) négative(s).
Règle 2: une intervention est formée minimalement d'une intervention ou d'un acte, qui peut être précédé et/ou suivi d'un acte, d'une intervention ou d'un échange.
Règle 3: tout constituant peut être formé de constituants du même rang coordonnés.
Il y a rapport de dépendance lorsque la présence d'un constituant est liée à celle d'un autre (mais non l'inverse): le constituant dépendant, qui peut être supprimé sans porter atteinte à la structure globale, est dit subordonné, l'autre est dit principal; (Échange - E -), (Acte - A -) et (intervention - I -), facultatifs, ont clairement le statut de constituants dépendants et donc subordonnés, marqué par s; I et A, seul constituant obligatoires, ont le statut de constituant principal, marqué par p, dans la règle 2. Il y a rapport d'interdépendance entre deux constituants qui ne peuvent pas exister l'un sans l'autre (ainsi les interventions constitutives de l'échange, selon la règle 1). Enfin, il y a rapport d'indépendance, lorsque la présence de chacun des constituants n'est pas liée à celle d'un autre (c'est le cas des constituants coordonnés selon la règle 3).
Ces règles ne font que formaliser les résultats de l'opération de négociation. Ainsi, on peut, à partir de ces observations, représenter, un peu plus loin, la structure hiérarchique du dialogue entre M. Figueroa et le Médiathécaire.
Concernant l'organisation relationnelle, elle est une forme d'organisation élémentaire qui a deux objectifs. Primo, elle identifie les relations illocutoires et interactives génériques entre les constituants de la structure hiérarchique et des informations en mémoire discursive. Secundo, elle décrit le parcours inférentiel permettant de déterminer la relation spécifique entre un constituant et une information en mémoire discursive.
Cette organisation fait intervenir des informations d'ordre hiérarchique (constituants textuels), d'ordre lexical ou syntaxique (instructions données par les éventuels marqueurs relationnels) et d'ordre référentiel (connaissances sur l'univers du discours stockées en mémoire discursive).
Les relations entre les interventions, c'est-à-dire, les relations illocutoires, sont les suivantes:
• Les relations illocutoires initiatives [de question (Q), de requête (R) et d'information (IN)].
• Les relations réactives [de réponse (RE) et de ratification (RA)]
Quant aux relations entre les actes, les interventions et les échanges, nommées relations interactives, il s'agit de:
• Relation d'argument (arg), de contre-argument (c-arg), de reformulation (ref), de préalable (pré), de commentaire (com), de clarification (clar), de succession (suc), de topicalisation (top) et de spécification (spéc).
3.1. ANALYSE HIÉRARCHIQUE ET ORGANISATION RELATIONNELLE
Le fragment analysé ici raconte le moment dans lequel le professeur Figueroa ( F ) s'adresse au Médiathécaire ( M ) pour la raison déjà signalée plus haut. De plus, la conversation prend place dans deux endroits: le premier (actes 1-15), dans le bureau de réception et le deuxième dans la réserve (actes 16-33).
Examinons maintenant la structure hiérarchique et relationnelle de ce dialogue. Pour ce propos nous présentons ci-après un découpage et une numérotation en actes. Les conventions de transcription sont les suivantes: les crochets [ ] indiquent le numéro de l'acte, les parenthèses (...) montrent les informations des interlocuteurs dans l'espace et le temps, tandis que les indications non verbales communicationnelles sont notées en italiques entre <...>.
(M. Figueroa s'approche du Médiathécaire)
F [ 1 ] bonjour
M: [ 2 ] bonjour monsieur figueroa
F: [ 3 ] je voudrais vous demander un service
[ 4 ] je cherche un film tchèque
[ 5 ] et je ne me rappelle pas son titre
[ 6 ] est-ce que je pourrais regarder les cassettes
M: [ 7 ] voulez-vous entrer dans la réserve < il se met debout et se dirige vers le professeur
F: [ 8 ] je sais bien que ce n'est pas l'usage
[ 9 ] mais (3 secondes)
M: [10] suivez-moi < tous le deux s'adressent à la réserve> (5 secondes)
[11] vous savez
[12]c'est curieux
[13]personne ne me demande d'entrer dans la réserve
[14] mais ce matin vous êtes la deuxième personne < la porte s'ouvre. Ils entrent dans la réserve>
F: [15] vraiment
M: [16] il y a un instant un autre professeur vient d'y entrer
[17] il vient souvent < il s'éloigne du professeuret s'arrête devant un rayonnage>
[18] professeur
[19] il ne m'entend pas < il retourne>
[20] bon
[21] voici le catalogue par genre < il le luimontre>
[22] je vous laisse
F: [23] un moment
[24] on ne devrait pas attendre qu'il sorte
M: [25] non
[26] je ne pense pas que votre présence le dérange
[27] ça vous dérange
F: [28] non
[29] non
[30] bien sûr que non
M: [31] en plus c'est immense
[32] je ne crois pas que vous allez vous croiser
[33] à tout à l'heure < il sort de la réserve>
Avant de faire état des différentes relations entre les composantes de la structure hiérarchique et les informations d'origine textuelle ou situationnelle, on aimerait montrer l'échange suivant qui résume bien le début de cette conversation filmique:
Nous soutenons cette hypothèse du fait que nous pouvons écarter tous les éléments subordonnés tout en gardant le sens global de la structure.
Si on exclut les paroles rituelles préliminaires de ce dialogue, à savoir, les actes [1-2], on envisage deux grands échanges complexes. Le premier échange est formé par deux grandes interventions: une proposition et une réaction.
La première, proprement dite, est constituée par les actes [3-9]. Elle est marquée par une relation illocutoire de requête/question. Examinons tout d'abord l'intervention de M. Figueroa, actes [3-6]. Elle s'ouvre par un As de préalable [3] qui est lié à une lp formée par deux actes coordonnés [4-5]. Ces actes forment une Is qui est enchaînée par une relation d'argument avec l'Ap [6], qui pourrait être marquée par alors. Ensuite, le Médiathécaire ouvre un Es de clarification, actes [7-9] formé par deux interventions. La première est marquée par une relation illocutoire de question [7] qui est liée à la deuxième intervention de réaction. Cette dernière est une réponse formée de deux actes [8-9]. L'acte [8] est relié à l'acte [9] par le connecteur de contre argument mais. Nous faisons l'hypothèse que cette deuxième partie de la construction contre argumentative n'est pas explicitée mais pourrait être reconstruite comme: j'aimerais bien y entrer.
L'Ip [10] constitue une réponse affirmative à la proposition de la première grande intervention. Elle est suivie d'un Es, et en plus, elle fait partie intégrante de la deuxième grande intervention de réaction. Passons tout de suite à l'explication.
Cet Es est ouvert par un As de préalable [11] qui est lié à un Ap [12]. Ces deux actes forment une Is de préalable. Celle-ci est liée à l'Ip composée des actes [13-14]. Le premier acte subordonné [13] est rattaché au deuxième acte principal par une relation de contre- argument marquée par mais. Il est nécessaire de préciser que ces deux actes déployés par le Médiathécaire ont comme but de signaler la présence d'une autre personne dans la réserve. Ici, le connecteur est placé pour montrer le caractère exceptionnel du fait d'entrer dans la réserve à deux. Tous ces quatre actes [11-14] constituent une intervention principale. Celle-ci suscite une réaction de la part de M. Figueroa qui ouvre un échange subordonné de clarification, actes [15-19] formé de deux interventions. L'intervention [15] se caractérise par une relation illocutoire de question liée à la deuxième, qui présente un caractère un peu complexe. Elle commence par une Ip, formée de l'Ap [16] (dont l'intention est de confirmer ainsi, les informations données ci-dessus -personne ne me demande d'entrer dans la réserve/mais ce matin vous êtes la deuxième personne/... il l y a un instant un autre professeur vient d'y entrer-); suivie ensuite d'un As [17] auquel il est lié par une relation interactive de commentaire. Cette Ip est rattachée à une Is de commentaire qui est formée d'un Es et d'un Ap. L'Es est composé par deux interventions. La première [18] est une question orientée vers l'autre professeur pour attirer son attention. Cependant, comme il n'y a pas de réponse de la part de celui-là, le Médiathécaire finit son intervention par un Ap [19] de commentaire.
Il vaut la peine d'ajouter que la rupture qu'on aperçoit entre le Médiathécaire et M. Figueroa n'est pas gratuite. Elle a son intention. Et celleci est de ratifier, par la même occasion, avec la confrontation des professeurs face à face, la présence de ceux-ci dans la réserve. Mais cette intervention échoue car la réponse de l'autre est vide (// ne m'entend pas). Précisons que cette dernière explication peut être interprétée d'une autre manière. Ceci veut dire que l'intervention du Médiathécaire vers l'autre professeur, est plutôt pour confirmer qu'il est encore dans la réserve ou simplement pour le saluer. Cependant, ce n'est pas le cas puisque toutes les réponses proférées par le Médiathécaire nous font penser qu'il veut vraiment signaler le fait bizarre d'être deux professeurs dans le même lieu et pas seulement pour une salutation.
Passons maintenant à l'analyse du deuxième échange. On peut faire l'hypothèse que celui-ci est constitué par deux interventions. La première est assez complexe et requiert une attention spéciale. Tandis que l'autre est juste une intervention vide.
Or, cette première intervention du Médiathécaire commence par un As, qui est liée à l'Ip complexe des actes [21-32] par une relation interactive de préalable. Cette Ip est composée d'une Ip [21-22] et d'un Es [23-32]. L'Ip est formée de deux actes. Le premier Ap [21] est lié au deuxième As [22] par une relation de commentaire. L'Es est rattaché à l'Ip précédente par une relation interactive de clarification. Or, il est formé par deux interventions. La première est marquée par une relation initiative de question, actes [23-24]. LAs [23] est lié à l'Ap qui suit [24] par une relation de préalable. Tandis que la deuxième intervention est une réponse constituée par l'Ap [25] qui est lié à l'Is caractérisée par une relation interactive d'argument. Cette Is est elle-même formée de
l'Ap [26], suivi d'un Es [27-32] relié au précédant par une relation interactive de commentaire. L'Es proprement dit est structuré par trois interventions. La première intervention est marquée par une relation initiative de question qui débouche sur une deuxième intervention de réponse, plutôt négative de la part de M. Figueroa. Elle commence par un As [28] lié à l'Ap [29] par une relation interactive de reformulation. Ces deux actes constituent une Is qui est liée à l'Ap [30] par une relation interactive de reformulation. Quant à la dernière intervention marquée par une relation illocutoire de ratification, elle est formée par un As [31] et relié à un Ap [32] par une relation interactive d'argument. Nous faisons cette hypothèse du fait que nous pouvons ajouter le connecteur argumentatif donc.
Enfin, l'Ap [33] est rattaché à toute cette structure décrite précédemment, à l'Is caractérisée par une relation interactive de préalable. Cependant, il est important de mentionner qu'il n'y a pas de ratification de la part de M. Figueroa, c'est-à-dire, pas de réponse à cette séquence de clôture.
Pour conclure, nous aimerons représenter, sous forme abrégée, cette conversation en laissant de côté tous les éléments subordonnés:
4. LA DIMENSION INTERACTIONNELLE
Cette dimension se caractérise par la description des informations concernant la matérialité des interactions entre les participants. Ainsi, elle fait appel à trois propriétés:
• Le canal de l'interaction: Il est défini comme le support physique employé par les interactants; à savoir, oral, auditif, écrit, visuel.
• Le mode d'interaction: Il s'agit du degré de co-présence spatiale et temporelle des interactants.
• Le lien d'interaction: Il désigne la réciprocité ou non-réciprocité entre les interactants.
C'est à partir de ces paramètres que nous pouvons élaborer un cadre interactionnel dans lequel a lieu le discours.
Dans le dialogue analysé ici, on trouve une matérialité interactionnelle inhérente au dialogue de cinéma qui se situe à deux niveaux: le premier rend compte de l'interaction entre le réalisateur du film et son public, tandis que le deuxième porte sur l'interaction entre les personnages.
Compte tenu des arguments invoqués ci-dessus, on se trouve devant les deux cadres suivants:
On observe tout d'abord à l'intérieur du cadre n° 1, les deux interlocuteurs: M. Figueroa et le Médiathécaire. Ils utilisent le canal oral (le dialogue) et le canal visuel (les gestes) pour se communiquer. En plus, comme ils partagent le même contexte (ils sont à la réception de la médiathèque), ils sont en situation de co-présence spatio-temporelle, donc il y a un lien de réciprocité entre eux.
Concernant la partie extérieure du cadre, on constate que ce dialogue cinématographique est mis en scène par Alejandro Amenabar, le réalisateur (film: Tesis -titre original en espagnol-) et adressé à un public qui ne sont que les spectateurs qui regardent le film. Or, dans cette boîte il n'y a pas de réciprocité entre les interactants; du fait que les événements se déroulent dans un lieu unidirectionnel. Enfin, les canaux de communication sont: oral (sons) et visuel (images).
Nous pouvons maintenant décrire le deuxième cadre (lequel prend place dans la réserve). Celui-ci rompt pour un instant le déroulement du cadre précédent. Il rend compte du moment où le Médiathécaire s'adresse au professeur en utilisant le canal oral (un appel), pour constater que celui-ci est encore dans la réserve. De cette manière, il veut mettre l'accent encore une fois sur le fait curieux que deux professeurs sont en même temps dans la réserve. En fait, il n'y a pas de réponse pour le Médiathécaire. Ainsi, il advient que les deux personnages se trouvent en situation de co-présence spatio-temporelle (le Médiathécaire aussi que le professeur sont dans la réserve), mais que le lien d'interaction est de non-réciprocité -sens unidirectionnel-, parce que comme on l'a déjà décrit, il n'y a aucune réaction de la part de l'interlocuteur (réponse vide). A propos de ce point, Marcel Burger (2001), affirme nettement qu'il existe un lien unidirectionnel, un contact ou seule une des parties communique en l'absence physique d'une réaction de l'autre.
5. L'ORGANISATION STRATEGIQUE
Nous entendons par organisation stratégique une forme d'organisation complexe dont l'objectif principal est de rendre compte des rapports de faces et de places des interactants dans le discours. Cette organisation fait appel aux informations d'ordre linguistique (lexical et syntaxique), interactionnel, référentiel et hiérarchique; ainsi qu'aux formes d'organisation relationnelle, topicale et polyphonique.
Or, les notions de face et de place ont été exposées par Goffman. Il est indispensable, d'abord, de distinguer la face négative de la face positive. La première correspond au domaine propre, le «territoire» de chacun, un espace que l'on cherche à préserver. Celle-ci investit divers domaines: le corps, les biens proches, les espaces privés, les informations intimes; pour n'en citer que quelques-uns. Quant à la face positive, elle correspond à l'image, soit positive ou négative qu'on donne de soi. Dans ce cas, Goffman émet l'hypothèse que toute intervention est une menace pour les faces des interlocuteurs et pour cette raison, chacun développe des processus de figuration pour réduire les différentes sortes de menaces potentielles.
Concernant la définition de place, il s'agit de rapports verticaux qui définissent une relation dominante entre les interactants. Il est à signaler que la place n'est pas fixe, mais évolue au cours de l'interaction. Ainsi, un locuteur peut occuper une place basse par rapport à son interlocuteur au début d'une conversation et prendre, au fur et à mesure, une place haute.
Compte tenu de ces arguments, nous disposons maintenant des éléments pour décrire l'organisation stratégique de notre dialogue entre M. Figueroa et le Médiathécaire.
5.1. ANALYSE DE L'ORGANISATION STRATÉGIQUE
Rappelons-nous que la vraie raison pour laquelle M. Figueroa se trouve dans la médiathèque de la Faculté des Sciences de la Communication, c'est pour chercher des films les plus violents pour approfondir la recherche que fait son étudiante pour préparer sa thèse qui porte sur la violence audiovisuelle. Mais comme cette situation lui paraît très embarrassante, il décide de cacher son projet au Médiathécaire, en ayant recours à une sorte de stratégie que nous allons décrire maintenant.
En premier lieu M. Figueroa fait appel aux informations fausses dans les actes [3-5] avant de formuler sa proposition, acte [6]. Ces informations sont énoncées à travers des règles de politesse (les expressions de salutation -bonjour/bonjour, l'emploi du conditionnel -je voudrais... est-ce que je pourrais... -) comme moyens pour conserver sa face positive (c.f. choix des formes linguistiques). Pour lui, semblerait totalement honteux de dévoiler la vraie raison. Qu'est-ce que le Médiathécaire pourrait penser de lui s'il entend les phrases suivantes: «je voudrais vous demander un service, je cherche des films les plus violents possibles. Est-ce que je pourrais entrer dans la réserve?» Ou dans le pire des cas: «je cherche des films les plus violents possibles. Est-ce que je peux entrer dans la réserve? » Bien sûr que non, car il risque de perdre son image (sa face positive) de professeur honorable.
Or tout cet étayage forme un préalable, une introduction pour aboutir à la «Svraie requête ». Comme l'a fait remarquer avec justesse Kerbrat-Orecchioni (2001), il est nécessaire de décrire les différentes stratégies qui peuvent être mises au service de l'exercice de la politesse(...) les formulations indirectes des actes de langage (...) et toutes sortes de procédés adoucisseurs comme les préliminaires.
Cependant, au lieu d'utiliser une question directe comme celle-ci: puis-je entrer dans la réserve? Il opte pour une question indirecte à savoir: est-ce que je pourrais regarder les cassettes? Or pour que le Médiathécaire interprète correctement la requête introduite par M. Figueroa, celui-ci produit une question sous forme de clarification ouvrant ainsi un échange subordonné (intervention [7]). La réponse lui confirme son soupçon et finalement il accepte la proposition, Ip [10]. Il est intéressant de noter que la réponse de M. Figueroa n'est pas directe. Il s'agit plutôt d'une indirecte: actes [8-9] «je sais bien que ce n'est pas l'usage/ mais». Au lieu de prononcer un simple «oui» ou «non», il recourt encore une fois à la stratégie déjà préméditée d'avance: les formulations indirectes (comme le témoigne la structure hiérarchique et relationnelle).
Quelles en sont donc les raisons ? C'est évidemment parce que les formulations indirectes semblent moins coercitives et permettent aussi d'adoucir les arêtes des échanges.
Jusqu'ici on peut dire que les formulations indirectes exposées par M. Figueroa sont sans doute éminemment menaçante pour le Médiathécaire: surtout pour sa face négative, son territoire (l'espace privé autour de lui, la réserve).
Nous pouvons observer que les éléments esquissés plus haut ne sont qu'une sorte d'ouverture pour mettre en jeu des composants qui appartient à la face positive, c'est-à-dire la politesse.
Ensuite, nous relevons la continuation de l'intervention du Médiathécaire, actes [11-14]. Il veut informer M. Figueroa de la présence d'un autre professeur dans la réserve. Certes cette information n'est qu'une menace pour la face négative, le territoire du professeur Figueroa. Or s'il accepte l'information donnée par le Médiathécaire, il tolère cette intrusion territoriale. Et c'est exactement ce qu'il fait en prononçant l'intervention [15] «vraiment». Ainsi M. Figueroa laisse la porte ouverte, menaçant, de cette façon, sa face négative.
Cette hypothèse est fondée sur le fait que les actes [11-14] considérés comme une introduction, mettent en œuvre l'idée préméditée par le Médiathécaire, actes [16-17]; à savoir, confronter les deux professeurs face à face, intervention [18] (ce qui présente une situation inconfortable pour ces derniers). Néanmoins, son projet est tronqué à cause de la non-réponse de l'autre professeur, acte [19] (comme le montre la structure hiérarchique et relationnelle).
Ceci étant, le Médiathécaire finit par satisfaire la requête du M. Figueroa (puisqu'ils sont déjà dans la réserve) actes [20-22]. Mais le commentaire esquissé par le premier produit une réaction sous forme de question de la part du deuxième interlocuteur: «on ne devrait pas attendre qu'il sorte» (c.f. information d'ordre relationnel). Bien entendu cette question indirecte a comme but de ménager la face négative de celui-ci. Il veut être tout seul pour trouver tranquillement les films violents. La présence d'une deuxième personne le dérange, actes [23-24]. Mais le Médiathécaire s'empresse de répondre catégoriquement avec un «non», acte [25] lequel s'appuie sur l'acte suivant [26] (à savoir, la structure linguistique, choisissant les moyens lexicaux et syntaxiques). Ces actes constituent sans doute une vraie menace pour le territoire du M. Figueroa. En plus, le Médiathécaire finit sa participation avec une question incisive qui ouvre un échange subordonné (intervention [27]) et qui menace, dans ce cas là, la face positive du professeur. Pour cette raison, celui-ci réagit par le biais d'une intervention des actes [28-30], lesquels forment une rétractation au contenu de la question qu'il avait déjà posée (cela dit, acte [24]) tout en gardant son image positive.
Enfin, le Médiathécaire conclut son intervention, actes [31-32] en évoquant des arguments pour soutenir la réponse de l'acte [26] qu'on pourrait paraphraser de la façon suivante: «je ne pense pas que votre présence le dérange parce que la réserve est immense et je ne crois pas que vous allez vous croiser»» (comme le montre le moyen lexical en utilisant le connecteur donc). Ensuite il produit une séquence de clôture, sans retour de la part de M. Figueroa, traduite par l'acte [33].
Pour bien montrer le statut des interactants, il faut prendre en compte le cadre actionnel:
- L'interlocuteur: M. Figueroa est un professeur d'image à la Faculté de Sciences de la Communication.
- L'interlocuteur: Le Médiathécaire, personne qui a la garde de la médiathèque.
Dans ce cadre, on aperçoit que M. Figueroa a le rôle praxéologique de demandeur d'un service, tandis que le Médiathécaire a le rôle praxéologique de prestataire de service.
Concernant la relation de places entre les interlocuteurs dans la conversation, on peut la décrire de la manière suivante: il s'agit plutôt d'une relation verticale entre le Médiathécaire et le professeur. Au début de ce dialogue, le Médiathécaire occupe la place haute dans l'interaction puisque comme prestataire d'un service -rôle praxéologique-, il peut accepter ou refuser la requête de M. Figueroa qui occupe une place basse. Mais on observe tout de suite un déplacement et un changement de place. Le professeur se met en position haute lorsque le Médiathécaire lui permet d'entrer dans son territoire, c'est-à-dire, il accepte la requête introduite par son interlocuteur, acte [6] à travers la réponse de l'intervention [10]. Il y a cependant un renversement de place: le Médiathécaire se met en position haute par rapport au professeur quand ce dernier accepte l'information fournie par le premier, actes [11-17]. Et c'est à partir de ce moment que le Médiathécaire commence à occuper la place haute dans la deuxième partie du dialogue. D'une part, il réfute la proposition du M. Figueroa, actes [23-24] avec un «non», actes [25-26]; et d'autre part, il énonce une question, acte [27] dont la réponse revêt une forme de rétractation, actes [28-30]. Souvenons-nous que la rétractation est considérée comme une menace pour celui qui produit l'acte. Enfin, pour les raisons évoquées ci-dessus, le professeur finit par occuper une position basse à la fin de cette conversation.
CONCLUSION
Nous finirons en indiquant brièvement la description de notre corpus. Il s'agit d'une conversation entre M. Figueroa et le Médiathécaire dans le film «SLa Thèse ». D'abord, nous avons analysé la structure hiérarchique et relationnelle du dialogue marqué par deux grands échanges très complexes. Il est à rappeler que dans le premier échange nous avons montré l'existence d'un schéma différent, mais que nous nous sommes empressé d'écarter pour divers arguments. En deuxième lieu, nous avons décrit la dimension interactionnelle en proposant deux cadres. Le premier a porté sur l'interaction entre les interlocuteurs dans le bureau de la réception, tandis que le cadre suivant a rendu compte du moment où le Médiathécaire s'est adressé à l'autre professeur qui était déjà dans la réserve. Sur la dimension stratégique nous avons fait apparaître différentes sortes de tactiques employées par M. Figueroa et son interlocuteur pour conserver leur face positive aussi bien que leur face négative, en même temps leur rôle de place au long du processus de l'interaction.
Finalement, l'analyse modulaire du discours nous a permis de bien expliquer l'organisation particulière d'un dialogue fabriqué par un auteur et les décalages entre les représentations et la place que se font les interactants dans un échange communicatif.
BIBLIOGRAPHIE
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Roulet, E., Filliettaz, L., Grobet, A. & Burger, M. (2001). Un modèle et un instrument d'analyse de l'organisation du discours. Suisse: Peter Lang.
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